Le nouveau régime conduit pour les actions au porteur à un véritable changement de paradigme4, raison pour laquelle il convient tout d’abord de décrire précisément l’action au porteur en tant que telle et de la comparer à l’action nominative.
En Suisse, quelque 50 000 sociétés anonymes, soit un quart de toutes les SA, ont émis au moins en partie des actions au porteur5. L’action au porteur est matérialisée par un titre au porteur. Les titulaires d’actions au porteur peuvent faire valoir leurs droits en se réclamant simplement du fait qu’ils détiennent les titres, moyennant leur présentation. Le transfert d’une action au porteur consiste à remettre le titre en question sur la base d’une transaction obligatoire (acte générateur d’obligations, par exemple un contrat de vente). Il faut évidemment justifier d’un pouvoir de disposition6.
Le transfert d’actions nominatives, par contre, est un peu plus compliqué: il est nécessaire, en l’espèce, non seulement de transférer les titres qui les matérialisent mais encore d’endosser les actions en question ou d’établir une déclaration de cession7. Sur ce, les actionnaires sont inscrits au registre des actions que doit tenir le conseil d’administration de la société anonyme8. Dans la relation à la société, est réputé actionnaire ou usufruitier quiconque est inscrit dans ce registre. S’il a été fait usage de la possibilité légale de rendre statutairement plus difficile le transfert des actions nominatives (restriction à la transmissibilité des titres), l’approbation du conseil d’administration est requise au surplus.
Les modalités simplifiées de transfert des actions au porteur, notamment l’absence de registre, conduisaient par le passé à ce qu’une société qui avait émis de tels titres n’était pas obligée, selon l’ancien droit, de connaître absolument l’identité des actionnaires, même lorsque ces actionnaires entendaient exercer leurs droits. Cependant, la lutte internationale contre le blanchiment d’argent a fait naître la nécessité d’une identification accrue des titulaires d’actions au porteur et même un appel à l’abolition des actions au porteur. En Suisse, le législateur a décidé de ne pas les «enterrer» mais d’imposer, dès le 1er juillet 2015, des obligations d’annoncer jusqu’ici inédites aux détenteurs d’actions au porteur.